Chers amis, compte tenu du nombre croissant de lecteurs intéressés par les conseils techniques et pédagogiques relatifs à la course à pied délivrés sur ce blog, il m'a semblé judicieux, afin d'en approfondir certains aspects, de rééditer le questionnaire auquel avait bien voulu se soumettre Gonzalo il y a quelques temps de cela. En toute amitié il nous avait alors humblement livré ses impressions.
Après lecture, c'est peut être ce que j'ai entendu de mieux jusqu'ici sur la question.
A titre de préambule, Jean_Pierre, je voulais te dire que j'étais quelque peu gêné de devoir répondre à ce questionnaire, qui a vocation à être publié sur ton blog, dans la mesure où je n'estime posséder ni qualité ni mérite particuliers. Mais si cela peut t'aider dans ta démarche pédagogique …
Question : Gonzalo, depuis l’épisode rocambolesque de « La route des Sanguinaires » à combien de courses officielles as-tu participé en tout ? Réponse : 7, dont 4 semi-marathons; 2 marathons et 1 "20 km", le tout depuis début 2008.
Question : Parmi toutes ces épreuves laquelle t’a procuré la plus belle satisfaction ?
Réponse : mon premier marathon de New York.
Question : Et laquelle t’a laissé le plus mauvais souvenir ?
Réponse : semi-marathon de la croix verte, fin juin 2008. Terrain très difficile, 35 degrés à l'ombre. Les chiffres sont parlants : 225 coureurs au départ, 75 à l'arrivée ! C'est d'ailleurs la seule course que je n'aurais pas pu finir si j'avais couru seul. Heureusement, nous nous sommes mutuellement soutenus et encouragés, toi et moi.
Question : Selon toi, les paramètres exogènes (dénivelé, climat, participation massive) entrent en considération dans la quête de la performance ?
Réponse : Bien évidemment. Encore une fois, les chiffres parlent d'eux-mêmes : au semi-marathon de la croix verte, très fort dénivelé, à différents endroits et en particulier une pente très prononcée au 20ème km, forte chaleur, pas suffisamment de points de ravitaillement, nous avons réalisé toi et moi un temps de 2H17 en nous traînant jusqu'à l'arrivée, et étant plusieurs fois au bord de l'abandon. Alors qu'un mois auparavant, à Fontainebleau, parcours réputé pour ne pas être des plus faciles puisque également avec forts dénivelés et en partie en forêt, nous avions réalisé un temps de 1H56. Autre exemple. La semaine dernière à New York, comme tu l'as déjà expliqué sur ce blog, je suis parti à la dernière vague (3 vagues a 20 minutes d'intervalle), dernier corral –G- (de A à G). Le départ est ainsi morcelé de manière à pouvoir gérer au mieux la masse de coureurs (50.000 partants cette année !, plus grand marathon du monde). J'ai donc passé mon premier semi-marathon à zigzaguer parmi les retardataires des autres vagues et corrals, en perdant du temps a chaque mile, et en accélérant lorsque je le pouvais pour essayer de rattraper le retard accumulé à chaque passage de borne (erreur a ne pas commettre). J'ai donc rapidement accumulé fatigue et découragement en constatant que je n'arrivais pas à réduire l'écart entre mon temps et mon objectif. J'avais déjà 5 minutes de retard au semi-marathon par rapport à mon planning et à mon temps de l'année précédente et ce, alors que j'étais bien mieux préparé. Je suis certain que si j'avais pu développer ma course, à mon rythme, j'aurais pu mieux faire. J'en veux pour preuve que mon segment le plus rapide aura été le dernier, du 40ème km a la fin, à 9,8 km/h de moyenne, contre une moyenne générale tout au long du marathon de 9 km/h.
Question : Que cherches-tu dans la course à pied ?
Réponse : plusieurs choses, à plusieurs niveaux. Et d'ailleurs la question pourrait être posée différemment car je ne suis pas certain que ce que je recherche aujourd'hui dans la course à pied corresponde à ce que je recherchais au départ. La question pourrait être "que t'as procuré la course à pied", et que tu recherches aujourd'hui lorsque tu pratiques cette activité ? - j'ai commencé à courir comme substitut au football, sport que j'ai pratiqué toute ma vie, et en club, à bon niveau, entre 14 et 21 ans. A 40 ans, pour des raisons essentiellement physiques, mais également psychologiques, j'ai estimé que le temps était venu de tourner cette page. Et je me suis dit que le sport le plus facilement à la portée d'un quadragénaire qui se prétend encore actif et en forme était la course à pied. Au départ donc, j'ai essentiellement cherché à me (re)mettre en forme, et à le rester. - Après quelques mois, je me suis aperçu que cet exercice physique régulier (qui présente l'avantage unique de pouvoir être pratiqué seul, n'importe où, en toute saison, et avec un minimum de matériel) me détendait et me permettait de mieux maîtriser mon stress. Cela m'a apporté une certaine dose de sérénité, aussi bien dans ma vie personnelle que professionnelle. - Parallèlement, mes sorties sont devenues un espace d'isolement et partant, de réflexion. Cela peut sans doute paraître bizarre, mais j'ai plus d'une fois trouvé des solutions ou des angles d'attaque pour mes dossiers, en courant. - puis rapidement, après ma première course officielle, j'ai retrouvé une partie de l'ambiance et des sensations de la compétition, qui m'avaient été étrangères pendant près de 20 ans. - En même temps, la course à pied m'a apporté à la fois de nouveaux challenges sur le plan physique et la fierté d'être en mesure de les relever. Tu le dis bien dans ton blog, la course à pied est avant tout une compétition contre soi même, mais reste bien une compétition. - Progressivement, je me suis aperçu que le challenge proposé était également psychologique, car je reste persuadé que physiquement, un marathon est à la portée de tout le monde (je dis bien finir un marathon, quelque soit le temps). C'est en effet psychologiquement que l'on décide de s'investir dans la durée, de réitérer les efforts et surtout, de passer outre une certaine dose de souffrance, à un moment où le corps te demande d'arrêter. Et la satisfaction que l'on éprouve à l'arrivée est évidemment à la mesure de l'effort et de la souffrance que l'on a endurés. - Enfin, et c'est le stade dans lequel je me trouve aujourd'hui, la course à pied me permet de canaliser les aspects fortement obsessionnels de mon caractère. Mon programme d'entraînement pour le marathon a été longuement étudié et préparé. Il a été couché sur des fiches des mois avant l'épreuve, que j'ai modifiées à plusieurs reprises en fonction de l'avancement de mes recherches. Une fois définitivement arrêté, il a été incorporé à mon emploi du temps et exécuté comme s'il s'était agi d'une activité professionnelle parallèle. Outre les différentes sorties, j'ai programmé mon alimentation, effectué un check up complet chez mon médecin, revu mon podologue, mon ostéopathe, mon kinésithérapeute. Et puis, ma course a été rythmée par le même degré d'obsession puisque j'ai établi un planning très précis, tout au long des 42,195 km, des points d'hydratation, d'absorption de gels glucidiques, d'absorption de sel, d'étirements … J'admets que cela puisse être difficile à croire, mais en procédant de la sorte, la dose d'"obsessionnalité" qui imprègne les autres aspects de mon existence, a diminué. J'ai donc gagné en sérénité et détachement sur le plan personnel, mais surtout sur le plan professionnel. Ce sont donc ces choses-là, insoupçonnées au départ, que je recherche aujourd'hui dans la course à pied.
Question ; pour finir, quelle sera ta prochaine course ? Un marathon,un semi ?
Réponse: Probablement un semi au printemps. Je vais essayer de garder le rythme de 2 semi-marathons et un marathon, répartis dans l'année.